Lien vers la note complète : le stockage électrique : quel potentiel pour la seconde vie des batteries de véhicules électriques ?
Dès 2010 avec les 1ères ventes de véhicules électriques « modernes » et le démarrage du marché de la mobilité électrique, les grands constructeurs automobiles impliqués ont cherché différents moyens de réduire le coût des véhicules pour diminuer l’écart de compétitivité avec les véhicules thermiques. La principale source de surcoût résidant dans la batterie, les solutions identifiées se sont rapidement tournées vers les potentielles utilisations de cette batterie au-delà du seul besoin de traction du véhicule.
Depuis 6 ans, deux sources de valeur sont étudiées. La 1ère réside dans l’utilisation de la batterie, lors de sa 1èrevie au sein du véhicule, pour répondre à des besoins de stockage ou de services aux réseaux électriques : c’est le V2H (« vehicle-to-home ») ou V2G (« vehicle-to-grid »). La 2nde réside dans l’utilisation des batteries en seconde vie, c’est-à-dire la réutilisation des batteries pour des besoins de stockage, une fois leur utilisation au sein du véhicule rendue incompatible à cause des baisses de performances (capacités).
Si les différentes initiatives V2G/V2H, principalement menées par Nissan, ont permis de démontrer la faisabilité technique de ces solutions, elles montrent aussi que ce sujet reste encore largement expérimental et met en avant des surcoûts importants, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros par véhicule. A l’exception de quelques zones de marché spécifiques, la valeur économique d’un tel système est donc aujourd’hui encore largement insuffisante pour rentabiliser cette solution. Par ailleurs, maximiser la valeur d’un tel système nécessite une disponibilité (connexion au point de charge/décharge) importante (voire quasi-permanente) du véhicule en particulier pour les applications réseaux (V2G). Cette situation, incompatible avec l’utilisation prioritaire pour les besoins de mobilité, implique donc un foisonnement nécessaire sur un grand nombre de véhicules, diminuant ainsi la valeur accessible par véhicule. Les technologies V2H/V2G ne devraient pas constituer un levier de valeur et donc un marché significatif à moyen terme.
En revanche, la réutilisation des batteries en seconde vie pourrait bien tirer son épingle du jeu comme nouveau levier de valeur à moyen terme. On constate par ailleurs un (re)gain d’intérêt significatif des grands constructeurs automobiles sur le sujet. Au cours de ces derniers mois, la majorité d’entre eux (Nissan, Renault, BMW, Mitsubishi, PSA, Daimler, GMC, Toyota) ont mis en place des partenariats stratégiques ou des co-entreprises avec des acteurs tiers (Green Charge Networks, EDF/Forsee Power, Eaton, Viessmann, Connected Energy, Getec, Remondis, ABB) pour tenter de développer cette activité.
Le potentiel de stockage lié aux batteries de 2nde vie est en effet significatif. En tenant compte des scénarios de développement du parc mondial VE/VHR, même si la moitié de la capacité disponible de batteries VE/VHR était réutilisée pour des besoins de stockage stationnaire à la fin de leur 1ère vie, la capacité cumulée disponible à horizon 10 ans serait du même ordre de grandeur que la capacité totale de stockage électrique installée aujourd’hui dans le monde, soit environ 140 GW (principalement via du pompage hydraulique).
S’il existe encore une incertitude importante sur la rentabilité économique de la réutilisation des batteries de VE/VHR en seconde vie, les différentes études de recherche menées sur ce sujet montrent que, dans des conditions favorables, le reconditionnement pourrait être réalisé pour un coût complet bien inférieur à 100 $/kWh, permettant d’envisager une compétitivité par rapport aux batteries neuves notamment, malgré le prix de rachat de la batterie en fin de 1ère vie à intégrer dans l’analyse économique. Par ailleurs, compte tenu du bilan coût/revenu du recyclage d’une batterie Li-ion, le recyclage représente aujourd’hui encore un coût net pour l’entité qui en est responsable (le constructeur automobile aujourd’hui) et cette situation devrait perdurer à moyen terme, ne positionnant donc pas le recyclage comme une alternative à l’utilisation en seconde vie des batteries.
Le développement de l’usage des batteries de véhicules VE/VHR en seconde vie pourrait en tout cas faire émerger de nouvelles activités pour une multitude d’acteurs avec des intérêts et des objectifs différents mais aussi un positionnement différent le long de la chaîne de valeur de la batterie : les fabricants de batteries (dépositaire du savoir-faire dans la fabrication/conception de batteries et apparaissant comme les mieux à même techniquement pour réaliser la phase de reconditionnement), les constructeurs automobiles (avec un intérêt direct à développer ce marché pour augmenter la valeur résiduelle de la batterie en 1ère vie et donc diminuer la valeur initiale du véhicule ainsi que pour limiter l’impact du développement des véhicules électriques sur les réseaux en offrant ainsi une solution de stockage aux opérateurs du réseau), mais aussi l’ensemble des acteurs pouvant avoir un intérêt à un accès à des capacités de stockage compétitives (les utilities / énergéticiens, les développeurs de projets ENR, les équipementiers fournisseurs de solutions de back-up et UPS ou les acteurs du BTP) ou encore les entreprises de la collecte (et du recyclage). Dans tous les cas, c’est avec des partenariats stratégiques à anticiper dès aujourd’hui (joint-venture pour la commercialisation d’offres de stockage, partenariats de R&D, développements conjoints de démonstrateurs ou projets pilotes) que se joue la structuration de la filière.
Crédit photo : Afif Kusuma sur unsplash
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