Contexte et objectifs
Un grand nombre de sociétés développent des concepts de petits réacteurs modulaires (SMR ou AMR) dans la perspective d’une implantation en France : ainsi, 10 projets de réacteurs à fission sont soutenus par France 2030.
Ces projets conduisent des industriels, des décideurs politiques et le grand public à s’interroger sur le développement à venir de ces réacteurs : nombre, localisation, rôle dans le système énergétique français.
La SFEN a confié à E-CUBE Strategy Consultants le mandat de réaliser une étude qui vise à apporter des éléments de réponse aux deux questions suivantes :
- Quels sont les usages de chaleur et d’électricité décarbonée auxquels les SMR/AMR peuvent répondre en France ?
- Quelles pourraient être les logiques d’implantations géographiques de SMR/AMR envisageables sur le territoire métropolitain ?
Résultats clés
Les SMR/AMR constituent une des solutions possibles pour fournir de la chaleur et de l’électricité décarbonée à l’industrie et aux réseaux de chaleur urbains (RCU). La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avec des objectifs intermédiaires pour l’industrie et les réseaux de chaleur.
La chaleur consommée dans l’industrie provient pour l’instant principalement de combustibles fossiles : la consommation d’énergie finale de l’industrie française représente environ 294 TWhth en 2022, dont plus de la moitié sous forme de chaleur. Les combustibles fossiles représentent plus de 50% des consommations. La faible décarbonation de la chaleur concerne la majorité des secteurs industriels, mais la situation varie selon les spécificités des secteurs. A l’inverse, les réseaux de chaleur urbains présentent un mix énergétique déjà majoritairement décarboné : en 2022, les réseaux ont livré aux consommateurs 26 TWhth de chaleur, dont 64% issus d’énergies renouvelables et de récupération.
Concernant l’électricité qui est déjà presque entièrement décarbonée en France, les SMR/AMR électrogènes pourraient en produire :
- Soit en complément des autres actifs de production du mix électrique dans une logique d’injection sur le réseau national, sans viser la proximité de sites fortement consommateurs
- Soit pour répondre à des problématiques de sites ou des zones spécifiques
A l’échelle locale, plusieurs contraintes techniques pourront limiter les implantations possibles, la nature et l’ampleur de ces contraintes étant variable d’une technologie à l’autre : disponibilité du foncier, accessibilité du réseau électrique, accès à une source d’eau notamment. L’acceptabilité et la sécurité industrielle joueront également un rôle clé dans la mise en œuvre effective de SMR/AMR.
Potentiel technique pour les SMR/AMR
Chaleur
Le besoin thermique techniquement adressable par la chaleur des SMR/AMR est supérieur à 100 TWhth en 2050[1][2]. L’industrie est le premier marché potentiel pour la chaleur des SMR/AMR avec ~70 TWhth de besoins thermiques techniquement adressables par les SMR/AMR. Ces 70 TWhth/an sont répartis sur environ soixante clusters en France. Selon ses caractéristiques spécifiques, chaque technologie pourra répondre à une partie de ces 70 TWhth/an. Les réseaux de chaleur représentent un marché techniquement adressable estimé entre 12 TWhth et 33 TWhth/an.
En réalité, le marché « économiquement » et « commercialement » adressable est plus réduit, en raison d’autres contraintes (en particulier la concurrence avec d’autres technologies de décarbonation de la chaleur). Le marché commercialement adressable pourrait varier fortement d’une technologie à l’autre.
Par ailleurs, l’émergence de nouveaux secteurs consommateurs de chaleur (production d’hydrogène décarboné, CCUS) pourrait représenter une opportunité >10 TWhth/an pour les SMR/AMR à horizon 2050.
Electricité
Dans le scénario N3 de RTE, les SMR/AMR produisent 27 TWhe par an d’électricité en 2050, ce qui peut correspondre à ~4 GWe de puissance électrique installée[3]. Leur développement pourrait s’accompagner de contrats d’approvisionnement avec des grands sites consommateurs[4] (industriels ou data centers), dont une forte augmentation de la consommation est attendue dans les années à venir. Ce contexte explique les marques d’intérêt de plus en plus importantes envers les SMR/AMR de la part des exploitants de data centers notamment.
[1] Hors changements de procédés et destructions / créations éventuelles de sites industriels
[2] A titre indicatif, 100 TWhth correspondent à la production de 250 modules de SMR de 50 MWth fonctionnant 8000 heures par an
[3] 27 TWhe d’électricité correspondent à ~4 GWe de puissance électrique installée en supposant ~7000 heures équivalentes fonctionnement pleine puissance
[4] On désigne par « grand consommateur » un site dont la consommation est au moins du même ordre de grandeur que la puissance thermique d’un SMR/AMR (i.e. minimum 1 MW)