Demande de puissance de pointe en Europe du Nord-Ouest à l’horizon 2030

En Europe du Nord-Ouest, l’électrification des usages et le remplacement des centrales thermiques pilotables par des renouvelables intermittentes fragilisent la résilience du système électrique face aux vagues de froid hivernales.
L’excédent historique de capacité ayant disparu dans plusieurs pays (notamment en France), les analyses d’ENTSO-E montrent que la Belgique et la France auraient été exposées à un risque de défaillance l’hiver dernier. Selon RTE, une vague de froid comparable à celle de 2012 entraînerait presque à coup sûr des pertes de charge en France dès 2022-2023. Pour analyser la situation en 2030, trois scénarios de demande ont été construits selon les trajectoires des GRT et les politiques nationales, avec des niveaux d’électrification différents. Ces scénarios sont comparés à des hypothèses d’offre de type TYNDP 2020 afin d’évaluer les risques de déséquilibre offre demande et les coûts associés.

D’ici 2030, le risque de déséquilibre offre-demande en période de pointe froide augmente.
Des vagues de froid similaires à celles de 1985, 1997 ou 2012 pourraient générer jusqu’à ~30 Md€ de coûts, soit ~0,4 % du PIB de la région, en raison d’une perte d’environ 0,4 % de la consommation annuelle d’électricité. Cela impliquerait entre 35 et 70 GW de délestements pendant 100 à 250 heures, touchant les industriels et potentiellement les clients commerciaux et résidentiels.

Le rôle croissant des pompes à chaleur est déterminant.
Leur performance chute fortement lorsqu’il fait froid (baisse du COP), ce qui augmente la demande électrique. La grande incertitude sur leur performance réelle, la composition du parc futur (technologies variées) et leur flexibilité limitée compliquent la planification. Au-delà d’un certain seuil de déploiement, chaque pompe à chaleur air-air supplémentaire pourrait générer ~2 000 € de coût sociétal lors des vagues de froid — un argument en faveur des pompes à chaleur hybrides, beaucoup moins contributrices à la pointe.
À titre comparatif, un véhicule électrique n’entraînerait qu’un coût supplémentaire d’environ ~300 € en période froide.

D’autres facteurs aggravants existent, comme une faible disponibilité du nucléaire ou de l’hydroélectricité, qui augmenteraient encore l’Energy Not Served.

Le risque de déficit offre demande constitue un défi majeur pour la transition énergétique européenne.
Si la hausse de la demande n’est pas compensée par de nouvelles capacités pilotables et de la flexibilité, la décarbonation pourrait coûter beaucoup plus cher que prévu.
Les solutions incluent :

Côté offre : augmenter les capacités pilotables (principalement thermiques).

Côté demande : réduire la pointe via un mix de chauffage mieux optimisé (moins de convecteurs électriques, plus de PAC hybrides).

La stratégie implique un arbitrage entre :

  • le coût de l’Energy Not Served,
  • le coût des équipements (PAC, turbines gaz, PAC hybrides),
  • le coût des énergies bas-carbone (ex. gaz vert).

Les décisions prises au début des années 2020 conditionneront déjà les performances du système en 2030.

À horizon 2050, le problème pourrait s’aggraver, sauf si de nouvelles solutions de flexibilité longue durée (ex. stockage hydrogène saisonnier) sont déployées, car l’électrification et les renouvelables intermittentes continueront de croître.

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